Ce livre parle du désir, aussi n’est-il que précipitation,
urgence et tumulte : une femme va vers son amant et le quitte vingt-quatre
heures plus tard. Mais mon court roman a une longue histoire, très personnelle.
J’étais encore une adolescente lorsque j’ai lu pour la première fois une
nouvelle de Robert Musil dont je reprends ici le titre et la thématique. Autant
dire que son questionnement m’a accompagnée toute ma vie : faire la part
entre désir et amour, liberté et fidélité, soi et l’autre. Un engagement ne se
brise pas si facilement, ferait-on tout pour être infidèle qu’on ne le pourrait
pas, car ceux que nous avons aimés nous constituent, sont mêlés à nos fibres. Ces
questions surgissent dans n’importe quel couple et sont, je crois, d’une grande
actualité. Aux fantasmes très masculins de Musil sur la sexualité féminine
j’oppose les contenus et les pratiques typiques de notre époque, avec le grand
bal masqué de l’internet en arrière-plan. Mais, comme lui, je fais un reportage
en direct de l’âme humaine, comme lui, au lieu de montrer ce qu’il y a dans l’âme, je me demande plutôt ce
qu’il en est de l’âme. Elle est ce qui reste après avoir épuisé l’action, après
avoir tout fait, après être revenu de tout. J’espère que mes pages, mes phrases
ont cette clarté et cette transparence. Cette nudité en somme. Si j’atteins mon
but alors un écrit profondément solitaire pourra se revendiquer comme
profondément solidaire avec l’expérience de beaucoup-beaucoup de femmes et de
pas mal d’hommes.
Pour la forme, ce sont donc vingt-quatre heures dans la vie
d’une femme, Béatrice (entre enfer et
paradis), qui tente de s’évader de son couple le temps d’une brève
rencontre avec un inconnu. Pour décor, on a une voiture, de la pluie, on a Paris.
Il y a trois personnages principaux, un quatrième plus mystérieux, homme ou
femme, même moi, je ne saurais pas le dire. L’enjeu c’est de se sentir vivant. Où
qu’on aille, on va à la rencontre de son propre visage.